Le lycée professionnel (LP) attire rarement l’attention des médias. Il agite peu le débat public. C’est assez paradoxal, et ce pour au moins deux raisons. D’abord, parce qu’il scolarise et forme chaque année près de 650 000 élèves, filles et garçons, très largement issus des milieux populaires, aux trajectoires scolaires souvent heurtées et pour qui le LP est rarement un « choix ». En conséquence, il fait face à des défis scolaires de taille, il doit réussir à réconcilier l’élève avec l’école.
Ce désintérêt surprend aussi dans la mesure où le LP fait l’objet de réformes de fond régulières portées avec beaucoup de vigueur et de détermination par le pouvoir politique. Si ces transformations sont rarement discutées, elles ont pourtant des effets bien réels sur les devenirs scolaires et sociaux des élèves, sur leur famille, sur les quotidiens professionnels des personnels scolaires, enseignantes et enseignants, conseillères principales et conseillers principaux d’éducation, cheffes et chefs d’établissement, mais de tout ceci il est rarement question.
En 2018, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer, engage un mouvement de transformation structurelle de la voie professionnelle. Pour le justifier, l’argument est toujours le même. Le LP manque un de ses objectifs : l’insertion professionnelle des jeunes qu’il forme. Le constat est sans appel et il suffit à expliquer la désaffection du lycée professionnel par les jeunes et leur famille.
Pour lutter contre la disqualification tout à la fois sociale et symbolique du lycée professionnel, des dispositifs pédagogiques sont mis en œuvre tels la réalisation d’un chef-d’œuvre ou la co-intervention des enseignants et enseignantes, les formations sont réorganisées en familles de métiers. Toutes ces mesures sont présentées comme permettant de mieux mettre en évidence les compétences professionnelles travaillées par les élèves en formation et les liens entre formation scolaire et monde professionnel.